14 avril 2021. Le black carbone, ou carbone suie, fait l’actualité suite à la publication, par une équipe de recherche de l’INSERM dans la revue internationale Environmental Health Perspectives (EHP), d’une étude qui établit un lien entre la pollution au carbone suie et un risque accru de cancers du poumon. Sa surveillance est aussi recommandée depuis 2018 par l’ANSES. Airparif suit le carbone suie en continu et en temps réel dans l’air depuis 2015.

Le carbone suie est un des composants des particules dites carbonées, produites lors des combustions incomplètes d’hydrocarbures et de biomasse. Le carbone suie forme le cœur des particules carbonées, auquel s’agrège de la matière organique. En Île-de-France, la très grande majorité du carbone suie est émise lors des processus de combustion dus au trafic routier et au chauffage au bois. Les 2/3 du carbone suie mesuré dans l’air de l’Île-de-France est émis dans la région. Il appartient principalement aux particules fines PM2,5 (de diamètre inférieur à 2,5 μm), mais se retrouve principalement dans la partie la plus petite de celles-ci, les PM1, dont le diamètre est égal ou inférieur à 1 μm (plus petite qu’une bactérie).


Airparif, observatoire du carbone suie en Île-De-France

En complément de l’évaluation en temps réel de la concentration en particules en fonction de leur taille - PM10 et PM2,5 - sur l’ensemble de l’Île-de-France, Airparif analyse également en temps réel la composition chimique de ces particules, à l’aide d’outils de mesure spécifiques. Pour évaluer la part du carbone suie dans les particules en suspension, Airparif utilise des aethalomètres sur plusieurs sites de son réseau de mesure : loin de toute source de pollution comme à proximité du trafic routier. 
Airparif a participé à différents programmes de recherche autour de la pollution particulaire. L’étude Particules, menée à partir de 2009, a perfectionné la compréhension de la pollution francilienne au regard des particules et de leurs précurseurs gazeux. Les projets PREQUALIF puis REBECCA cherchaient eux notamment à mieux évaluer les mesures visant à diminuer le trafic, avec en toile de fond la recherche d’une meilleure connaissance des sources de ce polluant local, et notamment du carbone suie.

Concentrations moyennes annuelles en carbone suie en Île-de-France de 2015 à 2019

Sur les cinq dernières années de mesure, les concentrations moyennes de carbone suie présentent une forte variabilité spatiale, avec des niveaux maximums mesurés à proximité du trafic routier. Comme pour l’ensemble des particules, une évolution à la baisse des concentrations en carbone suie est constatée : en cinq ans, elle est estimée entre -20 et -40% selon les sites de mesure. Cette baisse s’explique par les améliorations technologiques sur les différentes sources d’émissions (trafic routier, chauffage, industrie), et par la modernisation du parc technologique du transport routier qui a notamment fait diminuer les émissions de particules carbonées.
Les aethalomètres distinguent de façon automatique et en temps réel la fraction de carbone suie issue de la combustion d’hydrocarbures (majoritairement liés au trafic routier en Île-de-France) de la combustion de la biomasse (chauffage au bois, brûlage de déchets verts, etc.). Ils renseignent la fraction de particules PM10 primaires issues respectivement du trafic routier et de la combustion de biomasse. Leur suivi permet ainsi d’évaluer dans le temps l’efficacité des mesures de réduction mises enœuvre sur ces deux sources.  

En plus d’améliorer la compréhension de l’impact de la pollution de l’air sur la santé, le suivi en continu du carbone suie facilite, notamment en cas d’épisode de pollution, l’information des autorités sur les principaux émetteurs de polluants de l’air à l’origine de l’épisode pour mettre en place les mesures d’urgence les plus pertinentes.
 

 

Le carbone suie, danger reconnu pour la santé

Dans un rapport publié en 2019, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), a pointé l’impact sanitaire des particules composées de carbone suie, de par leurs faibles dimensions. La grande majorité des particules de carbone suie étant présentes dans les particules PM2.5 (de diamètre inférieur à 2,5 μm), elles sont capables de passer la membrane alvéolo-capillaire, en se diffusant dans le sang et ainsi dans le corps entier. Elles ont des impacts respiratoires, cardio-vasculaires, cognitifs et reproductifs.

Le carbone suie a également un impact supplémentaire sur la santé de par son association avec des composés organiques toxiques. Avant la publication récente dans Environmental Health Perspectives, des études épidémiologiques avaient déjà montré une association entre les variations de concentrations de carbone suie et des effets sur la santé, principalement à court terme (voir ANSES, "Polluants "émergents" dans l’air ambiant", 2018). Selon l’ANSES, les études toxicologiques mettent en évidence que si les particules de carbone suie ne semblent pas exercer une toxicité directe majeure, elles peuvent agir comme un transporteur universel d’une grande variété de substances chimiques ayant une toxicité variable pour les poumons, les cellules immunitaires et (éventuellement) la circulation sanguine systémique. Si bien qu’en 2018, l’ANSES a recommandé un suivi renforcé du carbone suie en tant que nouveau polluant prioritaire pour cette surveillance de la qualité de l’air, en complément de ceux déjà surveillés.

Au-delà de son impact sur la santé, le carbone suie est également un polluant du climat, comme d’autres composés climatiques à vie courte  (Short-Lived Climate Pollutants , SLCPs). Sa reduction permettrait d’obtenir à la fois un co-bénéfice sanitaire et climatique, comme l’a souligné le Climate and Clean air coalition : " Black carbon’s short atmospheric lifetime, combined with its strong warming potential, means that targeted strategies to reduce emissions can provide climate and health benefits within a relatively short period of time."

 

Airparif poursuit ses investigations autour du carbone suie

Les concentrations de carbone suie présentent généralement une meilleure corrélation avec les Particules Ultrafines (PUF) qu’avec les particules PM10. L’étude plus fine de ces corrélations est menée par Airparif dans le cadre d’une étude de caractérisation des PUF dans différents environnements afin d’améliorer les connaissances sur les sources de ces particules.

Un Airparif Dossier consacré aux particules fait le point sur l’état de l’art des connaissances scientifiques concernant les particules en général et le carbone suie en particulier. Il est accompagné par un rapport qui fait le point sur l’état de l’art des connaissances sur les particules à l’origine de la pollution de l’air en Île-de-France.